Quel a été votre parcours ?
Après une filière de préparation aux concours administratifs au sein d’un institut d’études politiques (IEP) à Lille puis Paris, j’ai intégré en 1997 l’ENSP, renommée depuis EHESP. Ce n’était pas encore, à l’époque, le corps des directeurs d’établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux (D3S), puisqu’il y avait d’un côté les directeurs d’établissement sanitaire et sociaux (DESS) et, de l’autre, les directeurs d’établissement sociaux et médico-sociaux (DESMS).
En 1999, j’ai pris la direction d’un EHPAD de 85 lits dans la Sarthe à Montfort-le-Gesnois près du Mans. Puis d’un autre de 118 lits en 2001, près de Lille à Marcq-en-Barœul, au sein duquel j’ai été amené à créer un accueil du jour.
En 2006, j’ai organisé la transformation et la reprise d’un établissement qui était à l’époque un logement-foyer, aujourd’hui résidence autonomie. La mairie m’a demandé de le transformer partiellement en EHPAD. Il fallait donc procéder à une transformation statutaire importante puisque c’était un établissement territorial géré par le Centre communal d’action sociale (CCAS), devenu établissement autonome par arrêté municipal, raccroché à la fonction publique hospitalière. C’était une opération particulièrement intéressante avec une transformation de l’offre statutaire extrêmement importante et la mise en place d’un modèle particulièrement riche, puisqu’une partie de l’établissement était résidence autonomie et l’autre passait en EPHAD. Cela permettait un parcours linéaire pour les résidents qui entraient autonomes dans l’établissement et pouvaient ainsi y demeurer, alors même que leur capacité d’autonomie évoluait. Tout cela, sans avoir à changer d’appartement. C’est un petit point de détail qui a toute son importance.
Un an plus tard, je suis parti sur un poste à proximité qui s’était libéré. J’ai alors proposé aux élus du territoire de mettre en place une direction commune plus élargie, ce qui était novateur à l’époque. La création de l’établissement, dont je parlais juste avant, s’était mise en place dans le cadre d’une première direction commune. Il y a donc eu un élargissement de cette direction commune en juillet 2008, intégrant désormais dans le périmètre définitif un centre hospitalier – à vocation gériatrique, sans médecine chirurgie obstétrique, avec exclusivement des lits sanitaires, gériatriques, des SSR et des consultations – et 2 EPHAD. Ces derniers étaient à l’époque déjà engagés dans une démarche de partenariat sur Marcq-en-Barœul formant un ensemble quasi complet à destination des populations âgées du territoire, engageant l’établissement dans un système novateur. Cela a permis d’organiser une offre de territoire très structurée, en lien avec l’offre hospitalière de territoire déjà importante, puisque nous parlons du territoire très urbain de la métropole européenne de Lille. Celle-ci comporte de gros hôpitaux à Roubaix, Tourcoing et le CHU de Lille, avec lesquels nous avions développé des partenariats, renforcés par la suite dans le cadre du groupement hospitalier de territoire (GHT).
Depuis quelques semaines, j’ai pris la direction générale d’un groupement, assez atypique mais novateur, qui a été mis en place entre cinq établissements dans le Val-de-Marne sur quatorze sites dont le siège. Ce groupement a été organisé au travers notamment de la création d’un groupement de coopération social et médico-social. Nous sommes ainsi dans une dimension très intégrée, puisqu’il y a d’une part coexistence de ce groupement, qui a fait le choix de rassembler ses fonctions supports, et d’autre part une direction commune. Cette dernière organise très simplement et hiérarchiquement les relations entre établissements avec la présence d’un chef d’établissement de la direction commune et des adjoints. Il y a donc finalement une dynamique managériale assez forte, qui va sans doute plus vite que dans des établissements où on constate seulement la présence d’un groupement de coopération, permettant certes de mettre en synergie des forces, mais qui se cantonne à un cadre de discussions d’établissement à établissement totalement autonomes. Nous sommes donc dans une configuration un peu plus intégrée.
Le groupement existe depuis plus de quinze ans. Il a su évoluer grâce à une direction commune qui s’est progressivement élargie, passant de trois établissements fondateurs à cinq. Cela représente au total 1.500 lits et plus de 1.000 salariés équivalent temps plein, soit 50% de l’offre publique du Val-de-Marne en termes d’EPHAD.
J’ai également eu le plaisir, en mai 2019, de prendre la présidence de la Conférence des directeurs d’établissements pour personnes âgées et handicapées (CNDEPAH) qui est très engagée dans toutes les discussions avec les Ministères, et principalement avec Brigitte BOURGUIGNON et Olivier VÉRAN. Nous avons été un interlocuteur très régulier pendant la période de la crise sanitaire. Nous avons par ailleurs été amenés à travailler avec la DGCS régulièrement pour regarder, amender et tester les projets de consignes nationales qui ont émaillé le temps de la crise. Nous avons donc été un interlocuteur aidant et très participant à ces réflexions nationales.
Je siège également au nouveau conseil national de l’investissement en santé qui découle du Ségur de la Santé, et au conseil d’administration de la FHF depuis mon élection à la présidence en mai 2019. C’est une dimension importante car cette conférence permet d’apporter des éléments de contribution à la réflexion générale sur le champ personnes âgées, personnes handicapées. Vous pouvez d’ailleurs retrouver l’ensemble de nos publications sur le site de la CNDEPAH. Nous sommes assez fiers d’avoir apporté des éléments de contribution sur les effectifs et la restructuration de l’offre sur un territoire. Des dossiers importants ont été mis à la disposition de la Ministre, de la CNSA avec qui nous travaillons également. En effet, la CNDEPAH est représentée dans le conseil scientifique, qui est un élément complémentaire au conseil national de l’investissement en santé.
Le plaisir professionnel est le maître mot qui m’anime
Pourquoi ce métier ? Qu’est-ce qui vous a attiré ?
Quand j’ai passé les concours administratifs, j’avais clairement fait le choix de me porter vers des concours autour de la santé, du social ou du médico-social. J’avais donc exclu d’emblée ceux qui étaient un peu trop administratifs à mon goût, en tout cas moins en lien avec le terrain et moins connectés à des problématiques sociales qui m’avaient toujours attirées depuis le lycée. Le champ dans lequel je voulais travailler était donc clair dans mon esprit.
Un autre facteur d’attractivité était la proximité de terrain que j’ai beaucoup expérimentée dans mes premières années professionnelles. Il y a quelque chose d’extrêmement plaisant d’être dans un établissement à taille humaine (85 lits) avec des circuits de décision très courts. Vous êtes au cœur du processus décisionnel et dans une dimension managériale de très grande proximité. Finalement, les directeurs de ce type d’établissements doivent manifester une polyvalence extrême et une présence importante, ce qui est très engageant. La crise a bien évidement largement renforcé cette exigence. Il est particulièrement agréable d’être un acteur du changement direct, immédiat, de moyen et long terme. Pour imager, on nous donne les clés d’un établissement. La responsabilité qui en incombe est à la fois enthousiasmante et un peu lourde.
C’est sans doute la raison pour laquelle j’ai fait ce choix. Ce sont, en tout cas, mes premiers plaisirs professionnels. Etre un manageur, un meneur d’hommes et de femmes est quelque chose qui m’a particulièrement plu également.
Dans un déroulement de carrière, les D3S sont amenés à évoluer. Pour cela, l’une des possibilités est de se diriger vers des établissements plus importants, organisés en direction commune ou ayant engagé des partenariats. L’autre est de s’orienter vers une carrière de directeur d’hôpital (DH) et d’intégrer des équipes plus étoffées. Les élèves directeurs actuels ont une appétence un peu plus marquée pour intégrer des équipes plus tôt. Sans être caricatural, il y a une dynamique forte à vouloir trouver des postes de directeur adjoint en sortie d’école et non exclusivement de chef d’établissement comme avant.
Aujourd’hui, mon poste est certes plus déconnecté du terrain qu’au début de ma carrière, où je connaissais le nom de tous les résidents, d’agents et une partie de leur vie. Cependant, ça renforce la capacité à structurer et professionnaliser notre action, car aujourd’hui il devient assez illusoire, compte tenu de la complexité, de penser que nous pouvons réussir à tout faire. L’exercice isolé devient très lourd sur les épaules des directeurs. La structuration des établissements permet donc de monter en professionnalisme, d’être économiquement plus structuré et donc plus viable.
Le plaisir professionnel est le maître mot qui m’anime. Je continue à faire ce métier parce que j’y trouve beaucoup de plaisir. Ce n’est certes plus celui de la proximité ni de la chaleur humaine qui m’ont plu dans un premier temps. Je dois désormais animer une équipe de directeurs pour faire en sorte que le projet de la structure que je dirige et son offre soient toujours adaptés. C’est un métier qui évolue et c’est l’atout du métier de D3S. Il est indispensable de pouvoir donner des perspectives aux directeurs, ce qui n’était pas le cas il y a une vingtaine d’années car les établissements étaient organisés en petites chapelles, autonomes, sans connexion forte avec leur environnement. Cette possibilité d’évolution permet d’entrer dans une logique de fidélisation à une filière. Bien entendu, la perspective d’intégrer l’hôpital est aussi un facteur d’attractivité important. Chacun peut donc y trouver le plaisir professionnel de différentes façons et c’est une très bonne chose.
Comment avez-vous connu ce concours ?
En entrant à Sciences Po Paris, j’avais fait le choix d’intégrer la filière préparation aux concours administratif qui était, in fine, un choix initial assez large. Après être entré dans cette filière, ce choix s’est affiné en regardant l’éventail des concours possibles. Très vite j’ai vu que certains m’intéressaient plus que d’autres et c’est ceux-là que j’ai passés.
Sentiment d’isolement ?
A titre personnel, je ne l’ai pas ressenti mais je l’ai beaucoup vu chez d’autres. Pour ma part, j’y ai échappé car j’étais d’emblée inscrit dans un réseau très nourri syndicalement et avec la CNDEPAH ensuite. Grace à un réseau, vous êtes en capacité d’interpeler les collègues, d’avoir des discussions nourries et d’être rassuré en cas de besoin.
Ce facteur d’isolement est sans doute une des raisons majeures qui explique le choix des élèves directeurs d’aujourd’hui de ne plus souhaiter majoritairement occuper des fonctions de chef. De plus, la responsabilité est lourde sur des petits établissements où vous êtes amenés à tout faire. C’est compliqué d’avoir développé un professionnalisme sur tous les champs et aujourd’hui nous sommes sur une complexité réglementaire qui empêche presque l’exercice solitaire.
Avez-vous déjà sollicité le CNG pour votre carrière ?
Mes liens avec le CNG sont un peu particuliers et peu représentatifs car j’ai eu pendant longtemps des mandats syndicaux importants, ce qui est encore un peu le cas par ailleurs. En effet, j’ai été secrétaire national des D3S au SYNCASS CFDT. J’ai donc siégé pendant longtemps aux comités de sélection et CCT, et je siège encore aujourd’hui aux CAP et conseils de discipline. Je connais donc les interlocuteurs du CNG de longue date.